De Gabriel Gueguen seul survivant de l’équipage



« Tous les militaires et les jeunes volontaires débarquent à Plymouth le 21 juin au matin pour se rendre dans un camp. L’équipage reste à bord.

Deux jours plus tard, « l’AR ZENITH » rejoint Salcombe. Le 15 août 1940, avec l’accord du patron Jean-Marie Menou, un équipage anglais en prend possession.

Le 16 août, le bateau fait route sur Falmouth où il sera basé pendant toute la guerre ».

Le journal de la France, les années 40

(paru dans Historia n°116 – juillet 1971)

« Tous les militaires et les jeunes volontaires débarquent à Plymouth le 21 juin au matin pour se rendre dans un camp. L’équipage reste à bord. Deux jours plus tard, « l’AR ZENITH » rejoint Salcombe. Le 15 août 1940, avec l’accord du patron Jean-Marie Menou,  un équipage anglais en prend possession. Le 16 août, le bateau fait route sur Falmouth où il sera basé pendant toute la guerre ».


« L’île de Sein en 1940… Un îlot granitique battu par les flots, balayé par les vents, à peine sorti du Moyen Age. Pas d’électricité, quelques citernes, de maigres cultures, toute une vie tournée vers le large, vers la mer. Quant aux femmes, perpétuellement vêtues de noir, elles ont une longue familiarité avec l’absence, l’angoisse, le malheur… »

Une petite garnison a été envoyée sur l’île après le déclenchement des hostilités avec l’Allemagne.

« … Le bouleversement, c’est juin 1940, la révélation du désastre (de nos troupes). Tous les jours, barques de pêche, vedette des Ponts et Chaussés, apportent les nouvelles dramatiques du « continent ». Le 18 juin, c’est l’évacuation de Brest, l’arrivée des premiers réfugiés venus de Camaret, du Conquet… Le lendemain, AR ZENITH accoste au port à la « cale » ; il transporte une section de chasseurs alpins souhaitant rallier l’Angleterre. D’heure en heure, le désastre se confirme. Déjà se répandent les plus folles rumeurs.

Entassés dans deux bateaux – le 21 juin la petite garnison abandonne l’île, laissant armes et bagages, et livrets militaires. Le désarroi grandit… Le 22 juin, dans l’après-midi, un gardien de phare annonce qu’il a entendu sur son poste à accus une « voix » parler depuis Londres.

À 16 heures, Mme QUEMENER, qui tient l’hôtel de l’Océan, place son poste sur le rebord d’une fenêtre. La « voix » s’élève à nouveau. Une centaine « d’îliens »   l’écoutent en silence. Puis chacun retourne chez soi. Pas le moindre commentaire, mais l’idée fait son chemin…

Le 24 juin, le maire fait placarder un avis reçu par téléphone depuis Audierne. Tous les militaires sont invités à se rendre aux autorités allemandes de Quimper. Cette fois, le départ est décidé. Les femmes encouragent même les vieux et les tout jeunes. À la tombée de la nuit, deux bâtiments, le VELLEDA  et le ROUANEZ-AR-MOR sont là, prêts pour la grande aventure. On a attendu la chute du jour pour éviter les avions qui rôdent et qui mitraillent le raz…

Ainsi, du 19 juin au 26 juin, 130 îliens ont quitté l’île de Sein. D’autres devaient les rejoindre par des chemins différents à partir de Brest ou de Dunkerque ; 32 ne sont pas revenus, et la commune possède le triste privilège de compter plus de morts à la guerre 39-45 qu’à celle de 14-18.

Ils ignoraient tout du général qui avait osé affirmer que la France avait perdu une bataille, mais n’avait pas perdu la guerre. Ils ont rencontré pour la première fois le Général de Gaulle à la réunion du 3 juillet, à l’Olympia, à Londres.


Ce jour-là, de GAULLE passa la revue des volontaires et demanda à chacun d’où il venait.
« De l’île de Sein, mon général… »
de Sein » étant revenus à 130 reprises, le Général de Gaulle s’exclama :
– « L’île de Sein  est donc le quart de la France ? Quand tout sera terminé, j’irai vous voir chez vous. »

La promesse sera tenue.

Ce jour-là, de GAULLE passa la revue des volontaires et demanda à chacun d’où il venait.

– « De l’île de Sein, mon général… »

Les mots « île de Sein » étant revenus à 130 reprises, le Général de Gaulle s’exclama :

– « L’île de Sein  est donc le quart de la France ? Quand tout sera terminé, j’irai vous voir chez vous. »

La promesse sera tenue.

Les événements du mois de juin 1940 à SEIN

(Extrait du récit fourni par le Lieutenant-Colonel François Hervis)

… L’île est desservie depuis le port d’Audierne

, Deux fois par semaine par l' »AR ZENITH », robuste bateau de construction récente conçu pour le transport des passagers et de la marchandise. Il est recommandé par le patron-armateur Jean-Marie MENOU qui assume également la responsabilité de l’acheminement du courrier entre les bureaux de poste de Sein et d’Audierne. Communément, les îliens appellent ce bateau le « Courrier ». Son équipage se compose de trois Sénans qui sont d’ailleurs les neveux du patron.

Le mardi 18 juin, l’AR ZENITH quitte Sein

en milieu de journée pour effectuer sa liaison bi-hebdomadaire avec Audierne. Malgré une sourde inquiétude, la population sénane est confiante et rien ne laisse présager en ce jour, les événements dont l’île va être le témoin.

Le mercredi 19 juin, en début d’après-midi, le « Courrier » est aperçu dans le Raz de Sein ; c’est l’heure normale de son retour, celle de la marée.

Sur la cale de Sein, nombreux sont les marins à suivre son accostage

… et surtout à observer ses passagers. Il transporte en effet un fort contingent de militaires, notamment des Chasseurs Alpins et plusieurs civils. Au total, il y a près de cent personnes qui débarquent et s’égaillent dans les ruelles de l’île. Durant leur courte escale, elles vont trouver auprès de la population la traditionnelle hospitalité des gens de mer.

Des « Alpins » à Sein, c’est un peu le monde à l’envers et les commentaires vont bon train sur les quais. Les civils, en majorité des jeunes, sont quant à eux désireux de gagner l’Angleterre.

Rapidement, on apprend que l’AR ZENITH doit reprendre la mer dans la soirée pour Ouessant

En effet, à la demande de l’Administrateur du Quartier Maritime d’Audierne, il doit acheminer les militaires sur cette île. Au reçu de cette communication le patron a prévenu l’Administrateur qu’il ferait escale à Sein afin d’assurer son service postal.

Son bateau à quai, le patron est allé, comme de coutume, remettre les sacs de courrier au bureau de poste. C’est en sortant de là qu’une vieille îlienne lui demande :

  • « comment vont les choses, Jean-Marie ? »
  • « mal, très mal ! » lui répond Menou
  • « où allez-vous maintenant ? »
  • « A Ouessant »
  • « Mon Dieu, que devons-nous faire ? »
  • « Prier ! »

Dans l’esprit de Jean-Marie MENOU, sa mission est simple

Continuer jusqu’à Ouessant puis rentrer à Sein. Il a précisé à l’Officier Chef de Détachement qu’il transportera uniquement les militaires et l’heure à laquelle tous devront avoir rejoint le bord. Il lèvera l’ancre à 19 heures.

L’arrivée de tout ce monde a créé une certaine effervescence. L’AR ZENITH n’embarquant pas les civils et ces derniers souhaitant plus que jamais partir, c’est le « VELLEDA », le ravitailleur des phares en mer, patron Jean-Marie PORSMOGUER, qui va assurer le transport de ces personnes jusqu’à Ouessant. L’embarquement se fera à la cale du « MEN BRIAL ».

Leur retour à Sein est prévu pour le lendemain jeudi, en fin de matinée.

Le jeudi 20 juin, le retour de la vedette VELLEDA est signalé. Contrairement aux prévisions, l’AR ZENITH ne suit pas. Aussi, c’est avec une grande impatience que l’on attend le retour du ravitailleur des phares.

Tout de suite, la nouvelle tombe : « LE COURRIER EST PARTI POUR L’ANGLETERRE. IL NE REVIENDRA PAS ».

Jean-Marie PORSMOGUER fait part du voyage et des impressions qu’il en retire :

Ouessant, selon ce qu’il a observé, est le lieu de rendez-vous de tout ce qui flotte dans les parages et surtout le point de ralliement de tous ceux, militaires ou civils, qui désirent gagner l’Angleterre. Après avoir débarqué ses passagers, il a regagné Sein.

Que s’est-il passé pour l’AR ZENITH ?

À Ouessant, le Chef de détachement, à défaut d’ordre d’une autorité militaire demanda à Jean-Marie MENOU de les mener en Angleterre, à condition toutefois de trouver du carburant près de la société de sauvetage après accord de son équipage.
L’ordre reçu est sans équivoque, et l’autorité qui le donne précise au patron d’avoir à prendre toutes dispositions, en particulier le ravitaillement en carburant pour faire route sur Plymouth avec d’autres navires.
Jean-Marie MENOU a plus de 50 ans. Ancien fusillier marin, il s’est battu à Dismude. C’est un homme de devoir, intègre, qui sait assumer ses responsabilités et il mettra un point d’honneur à le faire jusqu’au bout. Il continuera avec son équipage et ne rentra à Sein qu’après la libération pour apprendre malheureusement la mort de son fils unique tombé lors de la libération d’Audierne au mois d’août 1944.

Les petites unités comme L’oiseau des tempêtes, le Primel, le Viking, le Monique-Andrée, le Velléda, le Marie Stella, le Rouanez-ar-mor, le Rouanez-ar-peoch, le Yvonne George et le Corbeau des mers ont suivi le sillage d’Ar Zenith.

Désireux de recueillir les témoignages des générations qui ont vécu la guerre de 1939-45, nous vous invitons, que vous soyez ou non adhérent à notre association, à collecter les informations (documents, livres, objet…) qui nous permettent d’illustrer l’histoire de cette période sombre.